Fonio : la céréale pour l’Afrique de demain

Article : Fonio : la céréale pour l’Afrique de demain
Crédit:
31 août 2015

Fonio : la céréale pour l’Afrique de demain

Les espèces alimentaires négligées et sous-utilisées (NUS) jouent un rôle crucial dans la lutte contre la faim et la sécurité alimentaire de millions d’êtres humains travers le monde. Elles représentent une ressource essentielle pour le développement agricole et la lutte contre la pauvreté, surtout dans les régions rurales. C’est le cas du fonio (Digitaria exilis, Staff), une céréale africaine de la famille des graminées qui malgré son potentiel tant sur le plan agronomique que nutritionnel reste très peu connu et exploité.

Le fonio : une céréale séculaire, mais sous-utilisée

Epis de fonio
Epis de fonio

Le fonio est une céréale dite « vêtue » dont le grain après battage reste entouré de glumes et de glumelles comme le riz. Ce produit est appelé « fonio paddy » ou « fonio brut ». Le fonio est bien plus petit que les autres céréales habituellement cultivées. Le grain paddy, de forme ovoïde, ne mesure en effet que 1 à 1,5 mm de longueur. La masse de 1000 grains de fonio est d’environ 0,5 g. En comparaison, 1000 grains de maïs, de sorgho ou de riz peuvent peser respectivement 330 g, 27 g et 22 g (Affokpe, 2013).

Le fonio parmi quelques autres céréales (JF Cruz, 2004)
Le fonio parmi quelques autres céréales (JF Cruz)

Cette très petite taille du grain rendait autrefois les opérations de  transformation longues et pénibles pour les femmes. Cette difficulté de transformation a longtemps réduit le fonio à l’état de céréale marginale. Mais aujourd’hui, des recherches ont permis de mécaniser plusieurs étapes de sa transformation pour mieux le valoriser sur les marchés urbains, où il est particulièrement apprécié. Ces améliorations portant notamment sur le vannage et le décorticage du fonio.

Le fonio : la céréale de l’Afrique

L’aire de culture du fonio s’étend du Sénégal au lac Tchad, mais c’est surtout en Guinée, dans les régions montagneuses du Fouta Djalon, qu’il constitue l’une des bases de l’alimentation des populations. On le rencontre également au Mali, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Nigeria, au Sénégal, au Niger, au Bénin, au Togo et en Guinée- Bissau.

Aire de production du fonio en Afrique de l’Ouest (Vodouhè et al., 2007)
Aire de production du fonio en Afrique de l’Ouest (Vodouhè et al., 2007)

En 2012, la production du fonio avoisinait 600 000 tonnes (FAOSTAT, 2012), ce qui permettait d’assurer l’alimentation de plusieurs millions d’êtres humains durant les mois les plus difficiles du point de vue des ressources alimentaires. Les rendements moyens sont relativement faibles (600 à 700 kg/ha) en comparaison avec les autres céréales. Cependant, l’application suffisante de fumure organique et un désherbage plus récurrent accroissent le rendement moyen du fonio à 700-800 kg/ha voire 1t/ha (Vall et al, 2011).

Une céréale rustique et parfaitement adaptée aux défis climatiques

Le fonio est généralement cultivé sur des terres légères, sableuses ou caillouteuses, car il est peu exigeant et s’accommode de sols pauvres ou des mauvais terrains notamment pour les variétés tardives (Cruz, 2004). Cette petite plante est très rustique et résiste bien à la sécheresse et aux fortes pluies et de ce fait est parfaitement adaptée au contexte actuel de changement climatique et des défis environnementaux. Selon les variétés, le cycle cultural varie de 70 à 150 jours et celles à cycle très court (70 à 85 jours) permettent des récoltes précoces assurant ainsi la soudure jusqu’à la récolte d’autres productions (Cruz 2004). Ainsi, pendant les quelques mois critiques de « soudure », le fonio devient alors « la graine de vie », et permet d’assurer une transition alimentaire vitale pour les populations lorsque les autres céréales sont encore immatures et que les réserves de l’année précédente sont épuisées. Le changement climatique par ses effets affecte le rendement et donc la disponibilité des céréales majeures pour assurer la sécurité alimentaire.

Une céréale aussi riche, voire plus riche que le riz

Le fonio, qui a longtemps été considéré comme une céréale mineure, la « céréale du pauvre », connaît aujourd’hui un regain d’intérêt en zone urbaine en raison des qualités gustatives et nutritionnelles que lui reconnaissent les consommateurs.

Composition du fonio et de quelques céréales
Composition du fonio et de quelques céréales (Fliedel et al., 2004)

La composition du fonio est globalement voisine de celle des autres céréales et plus particulièrement du riz. Des études histologiques ont montré que le grain de fonio, comme celui de toutes les autres céréales, possède un germe qui contient l’essentiel des réserves lipidiques et un albumen riche en réserves amylacées, les protéines étant surtout concentrées à la périphérie au niveau de la couche à aleurone avec un gradient de concentration décroissant vers le centre. Par rapport aux autres céréales, le fonio est moins riche en protéines, mais il est réputé pour ses fortes teneurs en acides aminés indispensables comme la méthionine et la cystine.

Une diversité de modes de consommation

Le fonio est habituellement consommé sous forme de couscous ou de bouillies, mais de nombreuses autres préparations culinaires sont possibles (salades, gâteaux, beignets…). Le fonio est une denrée très appréciée au plan culinaire et diététique. Réputée comme une céréale très savoureuse, sa finesse et ses qualités gustatives en font un met de choix toujours servi lors de fêtes ou de cérémonies importantes. Très digeste, il est traditionnellement recommandé pour l’alimentation des enfants, des personnes âgées et pour les personnes souffrant de diabète ou d’ulcère. En pharmacopée locale, il est également utilisé dans les régimes amaigrissants pour traiter les cas d’obésité.

Une céréale qui devrait compter pour l’Afrique de demain

Selon le dernier rapport de la FAO sur L’état de l’insécurité alimentaire dans le monde (SOFI, 2015), 795 millions de personnes dans le monde, soit près d’une personne sur huit, souffraient et souffriraient de faim chronique entre 2014-2016, c’est-à-dire qu’elles ne recevaient pas assez de nourriture de façon régulière pour mener une vie active. Pour la grande majorité, ces personnes vivent dans des régions en développement, notamment en Afrique subsaharienne où la prévalence de la sous-alimentation est estimée à 23, 2 % de la population, soit plus de 220 millions de personnes. L’insécurité alimentaire est l’un des principaux risques associés aux effets pervers des changements climatiques. La perturbation ou le déclin des approvisionnements alimentaires aux niveaux mondial et local dus aux changements climatiques peuvent être compensés par le développement de variétés de plantes adaptées à des conditions climatiques changeantes. En cette Année internationale des sols (IYS) les stratégies d’adaptation aux changements climatiques impliquent sans doute la valorisation des espèces culturales négligées, surtout quand elles présentent des potentialités agronomiques, technologiques et nutritionnelles avérées. Dans ce contexte, une culture comme le fonio devrait compter pour l’Afrique de demain.

Références

  1. Cruz, J.-F., 2004 : Le Fonio : Petite Graine, Gros Potentiel ! LEISA, 20 (1), 16-17.
  2. Affokpe, C., 2013 : Optimisation de la Technologie de Production du fonio précuit par la méthode des surfaces de réponses. Mémoire de fin de formation pour l’obtention du diplôme d’Ingénieur de Conception en Technologie Alimentaire, EPAC, UAC, Bénin
  3. FAO 2012 : Les cultures sous-utilisées sont essentielles pour relever les défis agricoles et alimentaires du futur, souligne M. Graziano da Silva. Consulté à l’adresse : https://faostat.fao.org/DesktopDefault.aspx?PageID=339&lang=fr le 26/03/2014 à 22h 47.
  4. FAOSTAT, 2012 : Production mondiale de fonio. Consulté à l’adresse https://faostat.fao.org/site/339/default.aspx le 31 Octobre 2013 à 11h 54.
  5. Fliedel, G., M. Ouattara, J. Grabulos, D. Dramé, J.-F. Cruz 2004 : Effet du blanchiment mécanique sur la qualité technologique, culinaire et nutritionnelle du fonio, céréale d’Afrique de l’Ouest. In : Brouwer Inge D. (ed.), Traoré Alfred S. (ed.), Trèche Serge (ed.), Voies alimentaires d’amélioration des situations nutritionnelles en Afrique de l’Ouest : Le rôle des technologues alimentaires et des nutritionnistes : actes du 2e Atelier international, Ouagadougou, 23-28 nov. 2003. Ouagadougou : Presses universitaires de Ouagadougou, Burkina Faso. p. 599-614.
  6. Vall E., Andrieu N., Beavogui F., Sogodogo D., 2011 : Les cultures de soudure comme stratégie de lutte contre l’insécurité alimentaire saisonnière en Afrique de l’Ouest : le cas du fonio ( Digitaria exilis Stapf). Cahiers Agricultures. Volume 20(4), 294-300.
  7. Vodouhè, R.S., Achigan Dako, G.E., Dansi, A, Adoukonou-Sagbadja, H., 2007: Fonio : A treasure for West Africa. In Plant genetic resources and food security in West and Central Africa. Regional Conference, Ibadan, Nigeria, 219-222.
Partagez

Commentaires

Elsa Kane Njiale
Répondre

l'Afrique vraiment des richesses ignorées. Très intéressant votre blog spécialisé

AFFOKPE
Répondre

merci vraiment... L'afrique est très riche.